f Ecritures sans Texte

Imagine que la langue universelle existe.
C’est une langue qui dit tout. Elle parle clairement et tu comprends tout
ce qu’elle dit aussi simplement que tu absorbes l’air, l’eau ou ces bonbons
de toutes les couleurs avec de la cacahouète à l’intérieur.
Tu la parles autant qu’elle te parle. C’est facile, simple et tu n’as pas besoin d’explication :

si une feuille tombe d’un arbre tu lis dans sa chute tout ce qu’il est
nécessaire de savoir sur la totalité du monde à ce moment.
Si quelqu’un est à côté de toi il lit la même chose.
C’est la langue universelle.

Maintenant imagine une personne qui ne parle pas cette langue
(il ne l’a jamais apprise, il l’a oubliée, on la lui a volée,
il est idiot… Imagine je te dis).

Cette personne c'est toi.
Tu arrives devant l’arbre,
la feuille tombe et tu n’entends pas que ça.
Sans la langue universelle cela veut dire aussi d’autres choses.
Pas seulement « la feuille est tombée » irréfutable simple et vrai.
Tu ne distingues pas clairement la chute de la feuille, de l’automne,
du réchauffement climatique,
de l’ère numérique,
du poème d’E.E. Cummings
ou de tout ce qui pourrait rapprocher la chute de la feuille de son énoncé.

Rien n’est irrétutable, simple et vrai.
Les signes qui ramènent les phénomènes à des énigmes,
les lignes de code qui résolvent les énigmes en une action sont
comme l’arbre mort qui cache la forêt des vivants.
Tu ne les vois pas non plus.

Maintenant imagine que la langue universelle soit une fiction.
Une fable inventée pour te refourguer un calendrier et te faire acheter une montre.
Imagine…
une seconde...
Que vois-tu alors ?

Tu vois des kakoï !