Narguilé # 5

Il paraît que des nouveaux outils permettront un jour de traduire directement nos pensées
et de les transmettre grâce à des machines.
La machine reconnaîtra dans nos pensées certaines d’entre elles et elle dira : « Tiens voilà ce que tu penses ».
Et nous on répondra : « oui merci bien et pourquoi pas ! »
Il ne sera plus nécessaire d’écrire. Quelle bonne nouvelle !
Il y a un paquet de trucs, pourtant, dont les secrets nous ont été livrés par l’écriture.
Avant de les écrire on n’y pensait pas.
Comme un air qui n’existe pas tant qu’on ne l’a pas sifflé.
A un moment il sort de derrière un arbre et on se dit : « que chantes-tu là ? » Bien sûr on ne sait pas.
Quelle importance cela peut-il bien avoir ?
Et où étais-tu donc quand j’avais le hoquet ?
C’est un morceau entêtant : « où ai-je donc entendu ça ? »
Aucune machine ne peut l’entendre, ni ne l’enregistrera. Qui s’en soucie ?
Nous entendons parfois, après la disparition des gens que nous aimions,
des paroles qu’ils ne nous ont jamais dites.
On comprend qu’on nous avait caché quelque chose. On découvre enfin ce que c’est. On comprend aussi pourquoi cela nous avait été caché.
Zut alors. Si on avait su plus tôt.
Comment ai-je fait, tout le temps que tu étais là, pour ne pas reconnaître ta voix ?
J’ai assisté à cette conférence ou une femme parlait de stéganographie
(ou quelque chose comme ça).
Je me suis dit que c’était une sorte de cacographie mais à l’envers.
Il n’y a pas de message au départ. Les messages arrivent après
comme si on lisait les formes des nuages.
Heureusement la cacographie est une invention trop récente pour être prise au sérieux. Qui s’en plaindra ?